Archives pour la catégorie Xavier Dolan

Mommy – Xavier Dolan – 2014

14. Mommy - Xavier Dolan - 2014Born to fight.

   9.0   Les premières minutes peuvent irriter : Parole omniprésente, envolées pop chéris par Dolan (C’est White flag de Dido qui ouvre le bal), cadrages serrés, postures un peu théâtralisés, langage de charretier (forte utilisation du joual, argot québécois), le tout enveloppé dans un format 1:1, plus étouffant tu meurs. De quoi se préparer à endurer un calvaire. Ou l’accepter et se laisser gagner par son énergie, celle qui d’abord nous agresse par ce jeu de massacre mère/fils puis celle qui fascine, soudainement, quand Kyla, la voisine fait irruption dans le cadre, brise le duo mal agencé et l’équilibre miraculeusement. Ses bégaiements apportent un doux contrepoint à la volubilité qui régissait jusqu’alors, le mystère qui accompagne un éventuel trauma et sa situation familiale compense la dureté ostensible des rapports entre Diane et Steve. Le film est devenu trio sans qu’on ne s’en aperçoive jusqu’à exploser dans l’émouvante autant que sublimissime car inattendue séquence Céline Dion. Dolan ose tout. Ça casse parfois – Son dernier film, éreintant, en était la preuve – mais quand ça prend, il emporte tout.

     Je ne pensais pas qu’une séquence comme celle durant laquelle Steve déambule sur son longboard sous Colorblind de The Counting Crows pouvait m’émouvoir autant. La suspension qu’il génère par cette image à la Van Sant menacé par le cliché du clip arty offre pourtant une respiration salvatrice. Mais cette façon qu’il a de virevolter avec son caddie sur un parking de supermarché, ces contre plongées répétées pour le voir se faire dévorer par le soleil : Tout fait frémir là-dedans. Tout fait frémir quand on l’évoque mais tout devient génial quand on le voit. C’est peut-être cela la magie Dolan ? Sans doute parce qu’il y a un étrange décalage dans cette scène puisque Steve n’écoute pas le morceau que Dolan nous offre, ce qui accentue l’étrange arythmie du film. Et sans doute aussi car on a besoin de cette petite parenthèse naïve pour encaisser ce qu’on vient de voir et accepter de replonger dans la suite. Pour que le tourbillon prenne des allures de fresque alors qu’il a pourtant tout du film intimiste, il faut ces envolées-là, cette croyance que chaque scène, aussi excessive soit-elle, tire le film vers des cimes bouleversantes dans ses pics autant que dans ses creux.

     Vers la moitié du film, le format carré que Dolan s’est imposé se transforme gracieusement. C’est Steve lui-même, le personnage, cet adolescent impossible, qui de ses mains semble agrandir le cadre. Idée de génie qu’on avait vanté partout depuis son passage cannois, gimmick que je redoutais à l’époque mais que j’avais oublié aujourd’hui. Et tant mieux, ça a fait son effet. Si en soi l’idée est jolie (L’avenir s’ouvre avec l’éventualité d’un équilibre parfait et une harmonie personnages/décor, aussi publicitaire que soit ce clip charmant accompagné par Oasis) c’est son utilisation qu’on retiendra : C’est une parenthèse enchantée. Et Dolan va s’en servir à deux reprises, de façon radicalement différente. D’abord en tant qu’évasion réelle (C’est le passage de l’huissier et sa lettre de mise en demeure qui viendra refermer les volets noirs du cadre, réactiver l’enchaînement mélodramatique et rejouer l’épuisante routine) puis en tant qu’échappée onirique dans laquelle Diane imagine l’avenir radieux de son fils (Accompagné musicalement par le piano et les violons d’Expérience de Ludovico Einaudi) avant de condamner leurs rapports en l’abandonnant aux mains de médecins psychiatriques.

     Mais Dolan ne s’en sert pourtant pas comme d’un twist de la mort, il nous avait prévenu, dès le début de son film au moyen d’un étrange carton racontant une réalité légèrement futuriste (Le film sort en 2014, l’action se déroule en 2015) et dystopique (La mise en place de la loi S14 permettant aux parents d’enfants turbulents de les placer en maison psychiatrico-carcérales) nous conviant un moment donné forcément à ce cas de figure. Mais il est tellement fort qu’on parvient à l’oublier, ce prologue un peu lourdingue (Le carton autant que la mise en place, notamment le rendez-vous entre Diane et la directrice du centre spécialisé de Steve) et à croire en sa vitalité utopique. L’interprétation y est pour beaucoup : Si le jeune Antoine Olivier-Pilon est une force brute tout en dissonance, c’est ce double portrait de femmes qui impressionne. Comment Dolan, alors âgé de 25 ans, peut-il créer des personnages féminins pareils, aussi riches, aussi beaux ? Anne Dorval et Suzanne Clément sont toutes deux étincelantes, traduisant par leur langage opposé et leurs silences mystérieux une puissance de jeu foudroyante, qu’on n’a peu vu au cinéma sinon chez Cassavetes.

     Loin de l’hystérie factice qu’on pouvait redouter de la part du jeune auteur de J’ai tué ma mère, Mommy se déroule sur un rythme fort en jouant sur une harmonie entre ses joutes éreintantes et ses moments silencieux, ses frénésies et ses accalmies – A l’image du Vivo per lei entonné par Steve, qui face aux moqueries du bar, abandonne la douceur candide qui l’anime par des points serrés et un accès de rage foudroyants. J’ai retrouvé ce qui m’avait séduit dans Les amours imaginaires. Certes, les deux films n’ont à priori pas grand-chose en commun, mais j’aime la foi qui les anime. Une foi que l’on retrouve aussi beaucoup dans le choix du format qui accentue le portrait. Rien ne vit dans le cadre hormis un corps, un visage. Le film s’envole dès qu’il cadre le trio, ici dans la séquence On ne change pas, là dans le selfie, qui semble s’offrir de dos avant qu’ils ne se retournent vers nous, au ralenti, pour qu’on en profite le plus longtemps possible. Le film se fermera d’ailleurs sur l’une de ces envolées dont Dolan a le secret : Purement mélodramatique (Steve semble s’envoler vers une porte vitrée) mais dans une sensation de flottement bouleversant, que le terrassant tube de Lana del Rey viendra accompagner en beauté.

     Si Mommy conte l’histoire d’une impasse, celle d’un lien mère/fils aussi fragile que leurs témoins d’affection sont légion, celle d’amitiés éphémère malgré leur renaissance commune, Xavier Dolan en fait une impasse merveilleuse, à briser le réel en continu tout en y étant complètement dedans, à magnifier ses personnages malgré leur antipathie de façade, à tenter des choses, briser le rythme en permanence. Comment peut-on à ce point croire que le morceau ultra-populaire d’une banale playlist familiale (C’est la bonne idée de l’utilisation de ces morceaux, l’impression qu’elles sont piochés dans l’histoire de Steve, avec son père, sa mère, avant qu’elles ne soient de simples chansons de chevet de Dolan lui-même) va élever une séquence, qu’un changement de format va tout redéfinir à nous en faire tomber les bras, qu’un rire étouffé ou des sanglots retenus (Je me répète mais bon sang : Dorval et Clément illuminent tout le film) vont tout raconter, qu’un ralenti en apparence passe-partout va émerveiller, qu’un léger décrochage va tout relancer ? Mommy est un film infiniment précieux pour ce qu’il témoigne d’une foi hors norme dans le cinéma, son pouvoir d’évocation, son émotion brute. C’est une déflagration. Je ne m’attendais pas à ça. Je veux déjà le revoir.

Juste la fin du monde – Xavier Dolan – 2016

34L’enfer.

   3.0   Calvaire similaire à celui procuré par Almodovar avec Femmes au bord de la crise de nerfs. Je suis pourtant loin d’être un anti-Dolan : J’aime beaucoup Les amours imaginaires, je suis plutôt admiratif de Laurence anyways. J’ai l’impression ici et pour la première fois d’assister à une caricature de caricature de Dolan – Comme Malick avec To the wonder. Ses habituelles envolées pop (et là on te sert un gratin aussi kitch qu’éclectique : O’zone, Camille, Foals, Blink 182, Moby) ne traduisent plus ni urgence ni folie, ne produisent plus rien sinon un effet branchouille en force.

     Dolan crée volontairement de la saturation, procédé que j’aime souvent beaucoup (Cf Sophie Letourneur et sa coloc dans La vie au ranch ou plus récemment Léa Fehner et sa troupe de cirque dans Les ogres) mais qui échoue complètement ici. Ça crie, ça pleure, ça gorge l’espace mais ce sont des visages que j’ai trop l’habitude de voir et des acteurs approuvés qui jouent tous dans l’excès leur petit numéro théâtral, trop écrit, trop mécanique. L’interprétation, parlons-en. Une horreur. Le casting me rendait méfiant, excitant aussi, un peu. Je n’y ai vu qu’un pot pourri disloqué, grotesque, tout en emphase, fait de cris, de larmes, de balbutiements forcés, de mutisme empesé.

     Entre l’hystérico-défoncée Seydoux, le beauf beuglant Cassel, la carnavalesque Baye, le vilain petit canard silencieux Ulliel et une Cotillard qui ne parvient pas à construire une semi phrase sans buter sur chaque syllabe mon cœur balance. Je développe. Ceux pour qui je suis le plus mitigé, ce sont Cotillard et Cassel. Je ne vois que la fabrication de leurs personnages, je ne vois rien qui s’incarne à l’écran ou maladroitement. Elle, je crois que c’est l’écriture autour de son personnage qui me gêne, cette emphase dans sa diction justement, son retrait permanent, ce même si elle le joue très bien, c’est épuisant. De toute façon l’ancienne Cotillard est morte dans le troisième volet de Batman (et de quelle manière) et depuis c’est quelqu’un d’autre. Lui je le trouve nettement plus juste dans Mon roi. Je trouve que Maïwenn avait su capter cette nuance, alors qu’étant donné le personnage ce n’était pas évident. Là ça me semble un peu forcé cette histoire de parfait connard/frère meurtri et cette façon de le jouer à mi-chemin entre Irréversible et La haine tout en flirtant avec le jeu outré de Lellouche. Quant aux autres : Rien à dire sur Ulliel, que je trouve très bien, juste dans son jeu, honnête dans son personnage. Baye c’est le métronome du film : Si elle en fait des caisses, comme au début, le film est irritant. Si elle se canalise, le film est beau (la séquence avec Ulliel, très réussie). Et Seydoux c’est à mon humble avis le gros miscast du film. Mais c’est vraiment un problème de personnages et d’incarnation de ces personnages, plus que de texture pop et autres gadgets de mise en scène cher à l’auteur (Il peut balancer du O’Zone ou des ralentis solaires je m’en fou) je ne me reconnais en aucun d’eux, pour anti-paraphraser Dolan himself qui dit avoir mis de lui dans chacun.

     Et s’il n’y avait que ça ? Mais non, il faut aussi se farcir tout du long une mise en scène de la découpe géométrique consistant à ne cadrer que des visages, illuminés, dans l’ombre, à travers une embrasure, tout y passe. On étouffe. Il y a néanmoins deux idées/séquences qui ont un peu agrippé un truc en moi : Le close-up mère fils, très beau et le long échange de regard entre Ulliel et Cotilard. Là il se passe un truc. Mais aussitôt on replonge, systématiquement. Il y avait aussi cette idée de canicule qui plane sur cette journée mais dont on ne ressent jamais le poids sinon qu’il se traduit en cris, nerfs à fleur de peau et perles de sueurs sur les nuques. Les mots qui reviennent le plus souvent sont ceux que chacun va lâcher à tour de rôle : « Pourquoi t’es revenu ? ». Je me pose toujours la question de pourquoi je suis resté jusqu’au bout, moi.

     Je ne connais pas la pièce de Lagarce mais l’idée (que Dolan a réussi à vraiment traduire dans les deux belles scènes suscitées, avec la mère et avant avec la belle-sœur) d’un retour en famille pour annoncer sa mort (et voir les réactions que suscitent cette annonce) qui se heurte au souhait de chacun, sans le dire, que le garçon annonce qu’il va rester, je trouve ça vraiment très beau. Dolan, qui a sans doute pris pas mal de libertés vis-à-vis du texte, crée à mes yeux beaucoup plus d’empathie pour Ulliel que pour sa famille (qui ont chacun leur partition caricaturale à jouer, à tour de rôle, avec des infimes transformations entre le premier tiers et le dernier) alors que sa démarche est roublarde – Ce même s’il est vrai qu’on ne connaît pas les raisons de son départ, 12 années plus tôt. Cette impossibilité d’être ensemble, cette famille brisée par la distance, l’absence et les non-dits est assez déchirante. Sur le papier. Donc le mérite revient davantage à Lagarce, j’imagine.

     Je préfère le Dolan un peu plus fou dans ses enjeux et sa mise en scène que le Tout pour les acteurs que je vois dans celui-là. Dans un registre différent, Ma Loute m’avait laissé de côté en partie pour ces mêmes raisons. La séquence en voiture entre Ulliel et Cassel je la trouve très intéressante sur le papier mais à l’écran ça se traduit trop lourdement à mes yeux, comme la plupart de ce que l’on  peut trouver dans le dernier Dumont. Et la mécanique du renversement me gêne : Je sais que si Cassel est dans l’excès au départ c’est pour atteindre un autre excès, contradictoire, à la fin. Pareil pour Baye, je sens la séquence pivot/émotion arriver. Reste que ça ne m’a pas vacciné pour autant, je le vois vraiment comme un cas isolé dans sa filmo, d’où les réceptions extrêmes qu’il peut provoquer. En tout cas, j’ai très envie de découvrir Mommy.

Les amours imaginaires – Xavier Dolan – 2010

les-amours-imaginaires-6Bang bang.

     7.5   Après le très remarqué J’ai tué ma mère, usante démonstration des relations conflictuelles entre une mère et son fils, tout de même enrobées d’amour, où il faisait néanmoins état d’un cinéma fait de fulgurances gracieuses éparses et prometteuses, Xavier Dolan revient avec un projet autrement plus ambitieux, stylisé et inventif avec Les amours imaginaires, duel amoureux entre deux amis, Marie et Francis, pour le même garçon bellâtre Nicolas.

     Là où le film précédent ne nourrit absolument aucune empathie pour son personnage, au mieux il m’indifférait, ceux de ce nouveau film sont des êtres ou meurtris ou désintéressés, plein d’espoirs ou de frustrations enfouis. Dolan ne filme plus un personnage – et en plus il se filmait lui-même – mais trois, et de très belle manière, en épousant leurs sentiments, leurs impulsions via une caméra sensuelle, curieuse, hypnotique. Le moment où Marie et Francis observent, tout en ruminant leurs frustrations, Nicolas danser sous les stroboscopes et Pass this on de The Knife avec sa mère, que Dolan tourne intégralement au ralenti, est un moment de grâce intime luxuriant (Scène de l’année me concernant) alors qu’il pourrait être clipesque et ridicule. C’est dans cette prise de risque incroyable que j’aime le nouveau film de Xavier Dolan. Il tente plein de choses, n’hésite pas à user des artifices formels comme les ralentis, les filtres et une bande son aussi archaïque que belle et branchée (en gros du Fever Ray, Indochine, France Gall ou Bach) pour démarquer son cinéma, de ces petites touches à première vue hermétiques (j’ai mis du temps avant d’entrer dans le film) mais finalement touchantes. Et puis on en sort hypnotisé, ailleurs, au rythme ralenti du Bang Bang de Dalida.

     Pour agrémenter tout cela Dolan a recours à ce qui agit comme une force supplémentaire au film, en intermède ces interviews sans rapport avec l’histoire, où l’on voit d’autres personnages (de fiction ou non, rien n’est précisé) parler de leurs amours imaginaires, vécues comme de simples chagrins ou comme des traumatismes, mais racontés avec énormément d’humour.

     Le film trouve donc son style, que certains trouveront vain, désuet ou insupportable. Ces moments ralentis, filtrés, musicaux (bref la totale) où l’on découvre Marie et Francis au lit par exemple, chacun de son côté, afin de montrer que cet amour intérieur commun ne les empêche pas de baiser, mais que ce n’est pas par amour, que ce n’est pas ce qu’ils recherchent. Ces moments où le corps s’abandonne, en tant que plaisir de chair seulement, et où les sentiments détachés de ce qu’ils vivent sur l’instant, s’en retrouvent décuplés, l’un ne trouvant refuge que dans les larmes et grimaces de gênes en permanence (c’est la sensibilité inquiétante du timide Francis) l’autre dans la parole incontrôlée et le besoin de fumer pour ne pas mourir (c’est la dureté caractérielle et maîtrisée de Marie). C’est vraiment un film sur les petites et grandes déceptions de la vie. Sur ces moments où l’on voudrait exploser mais où l’on garde tout pour soi. Où l’on encaisse alors qu’on voudrait disparaître.

     Je ne pensais pas dire cela il y a un an mais je crois que Xavier Dolan est un garçon très talentueux, ambitieux et téméraire. J’aime sa façon de se jeter à corps perdu, de ne pas faire un film pour faire un film mais pour parler de ces névroses, de ces sentiments. Dans l’intensité ça me fait penser à Vincent Gallo. Il y a comme cela un abandon total à la pellicule que je trouve passionnant. Des moments de jalousie très forts, lorsque Marie décide de s’en aller de leur petite escapade à la campagne tout en se répétant « Je m’en fou » plusieurs fois pour se convaincre d’oublier, ou bien lorsque Francis se masturbe tout en respirant le parfum de cet ange tant convoité sur des vêtements qu’il a laissé traîner. Et des moments incroyables de pudeur et douceur lorsque par exemple, toujours au ralenti, Marie et Francis marchant l’un et l’autre côte à côte après une longue querelle, celle-ci passe le parapluie d’une main à une autre pour abriter son ami, c’est le plan d’une amitié retrouvée. Ah et aussi j’ai trouvé très fort que pendant tout le film Nicolas et sa bouille d’ange, que Marie rêvera en statue de Miche Ange, Francis en visage façonné à la Cocteau, me fasse inlassablement penser à Louis Garrel, dans certaines de ses mimiques jusque dans ses postures. Car Louis Garrel apparaît à la toute fin du film, quelques secondes, représentant un nouvel amour imaginaire, une nouvelle conquête pour Marie et Francis, jamais remis (comme le montre cet agacement impulsif assez impressionnant de Francis lors des retrouvailles un an plus tard) de ce coup de massue infligé par le bellâtre, dont ils étaient clairement tombés amoureux, tandis que lui, n’aimait d’amour, finalement ni l’un ni l’autre.


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silencio


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