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Valhalla Rising – Nicolas Winding Refn – 2010

Valhalla Rising - Nicolas Winding Refn - 2010 dans Nicolas Winding Refn 19278241

Vikings.     

   7.0   J’ai volontairement oublié d’écrire le titre français, n’arrivant pas à la cheville de l’original d’une part et correspondant d’autre part au titre de l’une des parties du film, the silent warrior. A première vue, il y a quasiment tout ce que je peux détester dans Valhalla Rising. Déjà le film se divise en parties. Six au total. Heureusement on ne le sait pas avant. Je crois avoir horreur de ce procédé, surtout quand il guide un récit au vide abyssal, c’est le cas ici. Puis il y a autre chose qui me débecte c’est le travail sur le son. On est loin d’une nature filmée à la Malick où celle-ci couvrirait les bruits humains. Non au lieu de cela, le son est davantage accentué lors des batailles, aussi brèves soient-elles, lorsque le glaive entre et sort de la chair. On se croirait dans Apocalypto de Gibson. Des corps noyés dans la boue, des visages tuméfiés, du sang devenus noirâtre, les gros plans, aussi bref soient-ils eux aussi, sont explicites. C’est barbare. Comme l’était Bronson, son précédent film. Sans compter une utilisation lourdingue de l’insert choquante, entièrement rouge et accompagnée de bruits stridents je peux enfin dire qu’en lisant cela, j’ai juste envie de vomir tout ce que j’ai mangé depuis ma naissance.

     Et pourtant ! C’est ce jusqu’au-boutisme qui peu à peu est venu me cueillir. Le mec a une idée en tête et il y va à fond. On pourrait alors dire : Oui mais Bronson c’était un peu pareil. Je suis d’accord. Sauf que Bronson j’étouffe, je prends tout dans la gueule, la photo est hideuse et le film m’avait vraiment insupporté, l’acteur aussi. Les personnages de Valhalla Rising ne sont pas intéressants. Mais ils ne sont justement pas insupportables. Ce ne sont que des concepts, jusqu’à l’enfant errant, suiveur, guide et voix, tout droit sorti de chez Tarkovski. Et c’est peut-être ça qu’il me fallait : me sentir loin de cette expérience, y observer des situations absurdes, des personnages improbables. Quelque part j’ai beaucoup pensé à Herzog et son chef d’œuvre, Aguirre la colère de dieu. Même sentiment lointain et pourtant, même sensation de flottement. Bon, après, Herzog disait plein de choses par ce personnage fou, en pleine mégalomanie coloniale, dans cette solitude éternelle et cette fin presque cosmique. La dernière demi-heure de Valhalla Rising évoque Aguirre, c’est évident. Quelque part il y a aussi cette dimension cosmique ici. La descente d’un fleuve dans une coquille de noix. Six vikings assaillis par des flèches de tireurs que l’on ne verra jamais, simplement la forêt, les feuillages à perte de vue. Les deux dernières parties dans le film se nomment Hell et The sacrifice. Excepté la présence de l’enfant, il y aussi quelque chose dans ce dernier titre et l’esthétique du film en général qui renvoie au géant cinéaste russe. J’assume complètement ce que je viens de dire. A la différence qu’ici on ne travaille pas la durée du plan, c’est probablement mon seul regret. Mais certaines images sont remarquables. Il y a une profondeur de champ que Bronson n’avait jamais. Une profondeur qui laisse apparaître des fleuves qui sillonneraient les vallées vertes sur des kilomètres. Il y a un truc dingue tout de même c’est l’absurdité de ce voyage et l’ironie du quatrième tableau : Terre sainte. A la recherche de Jérusalem, l’équipage s’égare dans la brume et accoste en terres américaines primitives. Refn ne donne aucune date ni situation géographique. On se perd dans cette brume avec des personnages qui ne tarderont pas tous à périr avec cette croix levée qu’ils imaginaient protectrice. Dans ces deux dernières parties, Refn tente un truc. Jusqu’au-boutiste, je vous le disais. Son film était déjà ultra silencieux, il devient limite expérimentalo-muet avec l’apparition d’une musique noisy qui ne m’avait pas paru aussi bien choisie – comme musique d’ambiance se fondant dans l’image – depuis le dernier Jarmusch, The limits of control. J’achève le flot de références en citant Kubrick car c’est assez évident, je dirais même que ça saute à la gueule et pas simplement pour son dernier plan : Refn a voulu faire son 2001 !

     Voilà, je ne pense pas que ce soit un bon film, non, enfin je ne sais pas, je crois même qu’il entrerait dans la catégorie des films que j’ai honte d’aimer. Mais bon, c’est con à dire, j’ai pris mon pied. Je crois surtout que ce que j’aime c’est que le film ne raconte absolument rien – Mais il est dans son sujet, le personnage ne parlant pas, ne pensant pas, n’ayant pour ainsi dire aucune émotion. Je dirais même que le cinéaste a cette prétention à filmer le vide en pensant que la technique, seule, peut faire un chef d’œuvre. Tout l’inverse de Bronson. Oui, rarement j’ai vu un film aussi prétentieux, aussi suffisant et j’aime l’idée que le type soit allé au bout de sa démarche. En fin de compte je crois que j’aurais adoré le même film mais entièrement silencieux. Sans aucun dialogue. Après, qu’il fasse joujou avec ses sons comme un gros bourrin qu’il est, ne me dérange pas tellement. Qu’il fasse le tout en musique (que certains qualifierait d’inaudible, c’est ce que j’ai entendu en sortant de la salle) ne me dérange pas non plus. Ce ne sont pas des partis pris que j’affectionne mais disons que sur ce que j’en attendais je trouve cela déjà épatant. 

La reine des pommes – Valérie Donzelli – 2010

La reine des pommes - Valérie Donzelli - 2010 dans Valérie DonzelliPoint de fuite.

   6.0   Voilà comment faire un film avec trois bouts de ficelles. S’il fallait grossièrement en évoquer d’autres je dirais qu’il est un mix improbable entre Sattouf et Mouret. Il y a la pertinence et l’humour crue de l’un pour l’élégance et l’humour absurde de l’autre. Alors il faut le voir d’une part pour Valérie Donzelli, réalisatrice, mais aussi ici actrice formidable. Il faut le voir pour Jérémie Elkaïm qui embrase littéralement l’écran, interprétant quatre rôles différents, alors qu’il les joue tous dans l’emphase avec une drôlerie hallucinante. Et voir le film pour le bonheur qu’il procure. C’est un film fauché, mais vraiment fauché hein, pas ce genre de film faussement fauché cool, non là c’est vraiment un film complètement barré, parfois moche, plein de non-sens et de faux raccords. C’est d’autant plus formidable que le scénario de base est d’une banalité déconcertante. Mais la réalisatrice dynamite cette légèreté triviale et livre un film ovni. Où il y a de l’inventivité dans chaque plan, à chaque minute. Je n’avais probablement pas autant ri – à gorges déployées, vraiment – depuis, justement, Les beaux gosses de Riad Sattouf. Je n’avais pas reçu une telle brise de légèreté aérienne pleine de charme burlesque depuis Fais-moi plaisir d’Emmanuel Mouret. C’est aussi un film qui donne envie de baiser. Je ne sais pas, moi ça m’a donné envie pendant tout le film, sans doute est-ce dû à la liberté sexuelle ouverte qu’il dégage. C’est un film sur le retour à la vie qui pourrait être une odyssée banale de trentenaire en mal d’amour, avec prise au sérieux ou humour graveleux, au choix. Au contraire, c’est un film très simple et complètement détaché qui file une pêche incroyable. 

Après lui – Gaël Morel – 2007

Après lui - Gaël Morel - 2007 dans Gael Morel 3628403oyteh

La chambre du fils.  

     7.0   C’est un beau film, très sensible. Le début est assez classique, disons que Moretti l’a déjà fait. Il y a la perte d’un enfant, son enterrement et le deuil qui va avec. La tournure que prend Après lui ensuite est intéressante. Cela concerne entièrement la mère de cet enfant, comme une introspection. Nous arriverons à comprendre son acte quand tous autour d’elle resteront plus ou moins dans l’incompréhension. La réussite première du film c’est celle-là : avoir réussi à nous faire croire en la volonté singulière de cette femme. Son fils est mort dans un accident de voiture. Celle que conduisait son meilleur ami, qui roulait un poil vite, et s’en est sorti complètement indemne. Tenter de surmonter sa culpabilité, c’est avant tout ce que va faire cette mère, en l’amenant au recueillement des amis et des proches. Les uns sont outrés mais restent silencieux quand les autres choqués, sont proches du scandale. On peut croire à une punition dans un premier temps. Heureusement cette femme est beaucoup plus intelligente. Et finalement va se rapprocher de ce garçon, prête à le considérer comme son fils. C’est une façon de donner un sens à sa vie en fin de compte. Le souci majeur c’est qu’elle en vient à négliger nombreux de ses proches, dont sa fille, fraîchement enceinte. Après lui est un chemin sans réponse. C’est un film sur la souffrance et sur le comment surmonter cette souffrance. C’est surtout un film qui appelle à une ouverture d’esprit. Qui dit que « ne pas oublier les morts » ne rime pas forcément avec « condamner les coupables ».

C’est ici que je vis (Petit indi) – Marc Recha – 2010

C'est ici que je vis (Petit indi) - Marc Recha - 2010 dans Marc Recha Petit-indi-3

     4.0   Petit indi n’a en commun avec le Kes de Ken Loach que le quotidien du personnage principal, qui pour échapper à son entourage se réfugie avec son animal, son unique ami. Même si petit indi est le nom de ce petit oiseau prodige du chant, il n’est pas l’unique animal – le titre pourrait le laisser penser – auquel le garçon s’occupe. Il y a de nombreux autres oiseaux, que l’on verra moins, sans doute parce qu’ils ne sont pas aussi talentueux. Et puis très vite ce ne sera pas le faucon blessé de Kes, mais un renard mal en point qui viendra s’ajouter. Ce petit refuge en pleine campagne c’est le petit paradis du garçon. Il y passe le plus clair de son temps.

     C’est ici que je vis (titre français sans originalité) s’ouvre et se ferme sur des séquences animées. Le début laisse présager des envolées poétiques, mais la fin appelle davantage à un moralisme plus convenu, comme si l’on nous balançait une poésie enfantine. J’ai détesté cette fin. Je parle de la vraie fin. Elle est à la fois prévisible et mal amenée, bâclée comme une coïncidence impossible qui fait du coup office de morale de fin. Ce n’est pas loin, en ce qui me concerne, d’effacer toutes les belles choses vues auparavant.

     Car il y a un mystère que j’aime tout particulièrement dans le film, outre sa gestion parfaite de l’ellipse narrative. Ce mystère c’est la mère du jeune garçon. On ne la verra jamais, ou peut-être une fois dans une scène où il est tout aussi possible de penser que le garçon a imaginé la voir brièvement dans un couloir. Sa mère est en prison et lui ne sait pas bien pourquoi. Il n’a qu’une idée en tête : trouver un bon avocat qui usera de tout son pouvoir pour la faire sortir. Le garçon mise tout sur les courses de chiens. Et puis un événement malheureux viendra troubler sa démarche. Il n’est bientôt pas loin de sacrifier son oiseau chanteur. Et puis un autre événement viendra tout anéantir. Je trouve le récit cruel, peut-être bien plus que celui de Loach. En tout cas beaucoup trop comparé à son traitement formel. Il y a une légèreté dans ce film d’un bout à l’autre qui m’apparaît rédhibitoire. En ce sens il devient l’anti-Kes. Et donc même si je suis admiratif de ce que réussi Marc Recha, notamment dans sa façon de filmer la banlieue barcelonaise et les relations homme/animal je ne peux m’empêcher d’être déçu quant au dénouement et penser que le cinéaste cherche quelque part à donner des leçons… Ah et aussi, ce n’est à première vue sans doute pas grand chose mais je n’aime pas l’utilisation musicale dans le film. D’une part je la trouve superflue. Et d’autre part mal choisie. Mais sans doute l’explication de sa présence tient dans ce que je pensais du film un peu plus haut…

La pivellina (Non è ancora domani) – Tizza Covi & Rainer Frimmel – 2010

19223936   4.0   Héritier Dardenien, La pivellina, petit film italien tourné avec pas grand chose est doté d’une grande générosité, c’est un film très humain, trop peut-être. Au sens où l’on filme des vies plus que des corps dans des vies, ce que font les Dardenne par exemple. La Pivellina diffère donc sur ce point là en optant pour un registre plus documentaire, d’apparence plus authentique. Mais il y a un souci majeur : Là où Jean Rouch faisait durer sinon le plan, au moins les situations de vie, nous amenant à le vivre aussi, nous restons loin ici, constamment. Il y a bien des instants dignes d’intérêt mais on ne les voit pas, on n’en a pas le temps. On aimerait voir davantage de ce cirque. De ce repas d’anniversaire. Au lieu de cela on s’intéresse à de nombreux personnages mais à la fin on ne les connaît toujours pas. Alors c’est peut-être un film sur l’éducation d’une manière générale, voilà pourquoi en plus de la bambine Asia, on voit aussi très souvent cet ado qui vit chez sa grand-mère mais préfère passer son temps dans la troupe du cirque. Bref, la barrière émotionnelle est telle que je suis resté froid d’un bout à l’autre, reconnaissant l’intérêt du film indéniablement, malheureusement assez vide, mal rythmée, anti-Dardenien pour le coup.

Fantastic Mr Fox – Wes Anderson – 2010

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     6.5   Wes Anderson, réalisateur de l’excellent Darjeeling Limited est passé à l’animation. Examen réussi. Finalement on reste bien chez Anderson et son obsession pour la famille diversifiée, pour l’aventure singulière, fédératrice. Cadrages identiques traçant des lignes géométriques labyrinthiques : Une maison dans la famille Tenenbaum, un sous-marin dans la vie aquatique, un train dans The Darjeeling limited, une chambre dans Hotêl Chevalier, voici un monde souterrain où se sont réfugiés des animaux dans Fantastic Mr Fox. La magie d’un lieu, Wes Anderson le rend toujours magnifiquement, et à sa manière.

     Mr Fox est le roi des animaux dès qu’il s’agit de voler des poules, il en a fait sa vocation, échappant même dans les pires situations à ses bourreaux humains. Seulement un jour, Mme Fox lui annonce qu’elle attend un enfant, alors il se range et devient un animal dans la loi, travaillant comme éditorialiste. Cet argent lui permet d’envisager un déménagement dans un bel arbre. L’endroit est beau et finalement Mr Fox se rend compte que ce qui clochait chez lui n’était pas l’endroit. Il va mal, comme sa femme, comme son gosse, en pleine crise d’adolescence. Alors il replonge. Mais intelligemment, pense t-il, juste le temps d’un coup de maître. Son arbre a vu sur trois propriétaires grincheux qui font des élevages de poules et d’oies. Les différents vols se déroulent comme prévu mais la vengeance des fermiers s’apprête à être redoutable.

     Fantastic Mr Fox n’est pas forcément un film hilarant mais il m’a offert le sourire durant toute la projection, il donne une pêche incroyable. C’est un grand dessin animé d’aventure qui ne fait aucune pause sentiment – ou si peu – et ne s’arrête pas une seconde. Dans les dialogues principalement, tous fantastiques. Et puis comme toujours chez Anderson il y a de belles envolées poétiques. C’est drôle j’ai toujours eu un peu de difficulté à accrocher à ses films, généralement ses personnages ne me parlent pas. Depuis Darjeeling je me rends donc compte que c’était l’unique chose qui me gênait chez lui. Car ces deux derniers films sont très beaux. J’ai toujours eu une réticence à l’animation. Fantastic Mr Fox fait parti de ceux qui pourraient me faire définitivement aimer le genre.

Ne change rien – Pedro Costa – 2010

Ne change rien - Pedro Costa - 2010 dans Pédro Costa Costa     6.0   Pedro Costa, dans une interview aux cahiers du cinéma, raconte qu’avec ce film il a voulu filmer l’action davantage que le rêve. Dans cette avalanche de plans fixes uniquement (une vingtaine pas plus) on est en droit de se poser la question de la véracité de ses dires. A première vue, ces visages lumineux, blancs sur fond noir, durant tout le film, donnent une impression cosmique. C’est que le fond, chez Costa, épouse la forme. Il n’y a pas plus statique, au sens mouvement dans un petit espace, qu’une répétition musicale, une répétition de chant. Car Balibar, à l’origine actrice, n’a plus l’espace pour laisser parler son talent, elle est enfermée dans un dispositif géographique (une salle de répétition, une salle de concert, une salle d’enregistrement, un cous de chant lyrique) et formelle (objectif fixe, plans parfois larges mais avec un cadre épousant les bords muraux, plans souvent serrés cadrés visage). Et pourtant il y a tout un jeu sur la trivialité qui permet d’y entrevoir l’action plus que le rêve. Jeanne Balibar répète. L’exercice est difficile parfois même fastidieux lorsqu’on en arrive à devoir chercher un rythme, à répéter le même couplet pendant un long instant. Il y aurait une dimension onirique si Costa avait filmé avec plusieurs caméra, s’il avait cassé son dispositif de cloisonnement lumineux. Mais l’étirement du plan provoque un mal aise pour le spectateur, comme s’il assistait à cela sans qu’on lui en ait donné le droit. En un sens je suis quelque peu mitigé ici. Car d’une part je trouve le procédé carrément plus intéressant que celui utilisé par Scorsese pour filmer les Stones par exemple, cette dimension du spectacle n’est pas ce qui m’attire. Voilà c’est en fait cela : Ne change rien ce n’est pas du spectacle, c’est un film qui se penche sur la répétition (mot extrêmement important puisqu’il s’agit bien d’instants répétitifs, redondants, parfois usants) d’une actrice/chanteuse au calme. La durée du plan correspond à la durée de l’apprentissage. Il n’y a pas de dialogue dans le film, ou si peu, entre une répétition et une autre. On reste dans un cadre professionnel. Et puis d’un autre côté je trouve qu’il demande beaucoup à son spectateur, justement à cause de ce ton très pro. Il manque un échange véritable. Un échange entre les membres du groupe. Et un échange avec le spectateur. C’est cette non-proximité entre le réalisateur et l’actrice qui me perturbe quelque peu. Il y a bien Jeanne Balibar, on ne voit qu’elle, dans presque chaque plan. Mais il n’y a pas Pedro Costa. Il est là, derrière la caméra, mais on ne le voit pas, on ne l’entend pas, personne n’en parle. Costa dit qu’il a voulu faire une fiction, entièrement. Je comprends tout à fait sa volonté mais je ressens comme un manque.

     Quoiqu’il en soit formellement c’est extraordinaire. Heureusement qu’il a opté pour le noir et blanc, heureusement. Il y a comme ça, par moments, des percées lumineuses, par forcément sur les visages, mais dans le plan lui donnant un aspect assez unique. Dans la salle d’enregistrement il y a une fenêtre, toute la lumière vient capter la beauté de la chanteuse. Lorsqu’elle répète Offenbach, il n’y a que son visage qui est illuminé, le fond est noir. Cette déformation du visage, avec le mouvement des cordes vocales sur sa gorge, les yeux qui s’ouvrent puis se ferment, cette bouche qui reste ouverte et n’existe seulement comme porte au son. On dirait un tableau. C’est magnifique. Et cette souffrance avec laquelle elle chante Offenbach, avec cette femme à ses côtés (son maître, hors-champ) qui la reprend sur chaque mot. Rarement je n’avais aussi bien ressenti l’agacement, la prise sur soi, le courage de continuer. Bref ce n’est pas vraiment évident d’en parler de façon claire car je suis partagé. J’admire beaucoup et dans le même temps je me suis par moment ennuyé. Tout dépend de l’humeur je pense. Il faut accepter d’y plonger, d’y entendre Balibar chanter 75% du temps, et en répétition, donc avec toutes les sautes que ça engendre. Mais bon, je pense qu’on aimerait tous être immortalisé de la sorte par la caméra divine de Pedro Costa. C’est assez unique ce qu’il a réussi à faire.

Sous le sable – François Ozon – 2001

under the sand5La disparition.

     6.5   Il y a les films de deuil (Après lui, Shara, La chambre du fils…) qui mêlent lente agonie et espoir enfoui et il y a les films de disparition (L’avventura, A propos d’Elly, Sous le sable…) où il ne peut justement y avoir deuil tant qu’il n’y a pas réalité matérielle. Dans les deux premiers films de ma seconde parenthèse plane, logiquement, la possibilité d’une disparition accidentelle ou planifiée. Une mort injuste ou la volonté de se faire passer pour mort afin de changer de vie. Sous le sable déploie davantage car il y a aussi la possibilité que cet homme se soit suicidé. C’est même ce qui semble peu à peu être le plus plausible (médicaments douteux à l’appui). Il y a au moins une scène formidable dans le film c’est la rencontre avec la belle-mère, soit la mère du disparu. C’est un échange difficile qui en dit long sur l’instabilité – au sens entente fantaisiste – du couple. L’idée d’un départ volontaire n’a pas effleuré l’esprit de cette femme et pourtant c’est bien ce que lui assène sa belle-mère, qui voyait en son fils un être malheureux dans son couple. Auparavant nous observons cette femme qui ne pratique aucun deuil. Les quelques échanges avec des amis laissent penser que la vie a repris son cours. Elle semble aller mieux même si elle continue de parler de son mari au présent. Elle continue de vivre avec, se l’imagine, parle avec lui, n’a rien changé dans sa vie. Jusqu’à ce que le drame tant attendu pointe le bout de son nez : un corps a été repêché et pourrait très bien correspondre au signalement initial de cette femme, qui n’a désormais probablement plus envie de connaître la vérité. Ces larmes finales sur la plage peuvent vouloir dire deux choses : soit ce sont des larmes de joie, le corps retrouvé n’étant vraiment pas celui de son mari elle va continuer de vivre à ses côtés, de l’imaginer. Soit ce sont des larmes de joie mitigée, où pour ne pas sombrer cette femme s’est convaincue d’un mensonge. Son mari serait bien celui retrouvé, mais elle se serait persuadée du contraire afin de préserver l’entente éternelle avec son fantôme. J’aime l’idée d’une manière générale, c’est un film d’Ozon qui me parle, plutôt rare. Malheureusement il y a ça et là des choses plus grossières comme cette scène de visite d’appartement qui donne sur un cimetière. Comme souvent Ozon s’étouffe sous ses symboles, son film en pâtit. Heureusement qu’il a une actrice, superbe Charlotte Rampling. Heureusement qu’il a un lieu, Les Landes, car se faire bercer durant une bonne partie du film par le bruit des vagues c’est un point très positif, en ce qui me concerne.

Vengeance – Johnnie To – 2009

Vengeance - Johnnie To - 2009 dans Johnnie To 19072008

     7.0   Les rues de Hong Kong bondées, il pleut des cordes, tous s’agitent, parapluies à la main. Une fusillade dans le quartier vient d’avoir lieu. Quatre tueurs se sont égarés dans la foule. Le blanc a une perte de mémoire soudaine mais attendue. Il se retrouve à chercher ses collègues grâce aux photos qu’il a prises d’eux, auparavant, anticipant cet événement. Johnny sous une pluie battante, scrutant les visages de la foule puis ceux des clichés dans sa main, afin d’en associer le réel à son image… C’est l’une des merveilleuses scènes de Vengeance, film orchestré par Johnnie To, le nouveau maître du cinéma d’action hongkongais. Vengeance est un film très classique scénaristiquement, très proche d’un Melville dont il rend un hommage évident avec la présence du personnage Jeff Costello, Hallyday ayant remplacé le Delon du Samouraï de 1967. Oui le scénario est mince, et en plus de cela étouffé par les défauts de mémoire du héros, mais il n’en est pas inintéressant pour autant car il s’avère surprenant, très direct, très stylisé, finalement unique en son genre. En début de film, Costello qui s’apprête à venger sa fille, dont la famille a été massacrée par des malfrats de la triade, se voit confronté à trois autres tueurs, dans un motel, venus effectués leur labeur. Il a l’occasion de les balancer (le témoignage), de les buter. Le film de justicier n’est pas loin et pourtant pas du tout. Costello va prendre ces trois tueurs sous son aile pour l’aider à accomplir sa vengeance. Comme chez Melville pas de moralisme malvenu, To nous montre simplement des tueurs, des humains et quel que soit le bord tous sur la même échelle. Monstres dans les scènes de massacres. Touchants dans leurs intimités familiales. Impressionnant dans le travail, la préparation des coups, les fusillades. Comiques dans des situations plus quotidiennes, moins surréalistes. Et bien entendu chez To il y a une science de la mise en scène, principalement du montage. Jeu d’ombres et de lumières dans un affrontement au clair de lune. Utilisation maximale du vent dans deux séquences phares, une scène de fusillade presque abstraite dans un champ de blé, la scène de révélation finale et cette cravate qui vient trahir son porteur. La pluie aussi où lors de cette dernière séquence d’anthologie elle apparaît, très verticale, prenant une dimension particulière dans les rues de Hong Kong. Rarement les éléments naturels n’auront été autant sollicités dans un film d’action. Probablement l’un des films les plus funky de l’année. J’ai très envie de le revoir…

In the air (Up in the air) – Jason Reitman – 2010

19202907.jpg-r_640_600-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxx   2.0   C’est un nouveau Thank you for smoking. Donc un nouveau film insupportable de la part de Reitman. Entre ces deux là il y avait Juno, pas brillant, mais ma foi, plutôt sympathique. C’est ce à quoi tend In the air : être un film sympathique. A l’image de Georges Clooney, suffisant quoiqu’un peu trop What else ?! Je n’aime pas le procédé cynique utilisé, tous les personnages me paraissent antipathiques. En fait je dirai même que je m’en fou complètement. Reitman ne fait pas du Moore, tant mieux, mais sa technique tourne à la farce, presque à la moquerie. Je m’ennuie littéralement, entre trois répliques rigolotes et une musique lourdingue omniprésente. C’est un film qui existe pour voir Clooney. Toutes les personnes qui riaient dans la salle ne le faisaient pas pour les textes, ni les situations, simplement pour Clooney, sa gueule et ses mimiques. Ça ne m’intéresse pas. Pire ça ne me fait pas rire.

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