Adonde esta la libertad.
8.0 Retourner au cinéma, un dimanche matin et voir cette merveille de film argentin.
Dans lequel les personnages vont au cinéma voir L’argent, de Bresson ; dans lequel on y lit le poème « L’obsession de l’espace » en prison ; dans lequel on y écoute les Pappo’s Blues. Un film bercé par une fugue de Bach, une fantaisie de St-Saëns, une sonate de Poulenc ou une ballade de Violetta Parra.
Une fable sur l’argent et la liberté qui s’ouvre en quasi huis clos au sein d’une banque, sur une routine puis sur un casse, pour bientôt s’aérer, se libérer, quitter la ville pour la pampa, évoluer dans une temporalité insaisissable voire s’affranchir du scénario, puisque la trame de la première partie très écrite (ou programmatique) se dissout dans une seconde partie plus existentielle.
C’est un film très doux, down-tempo, étiré (sur 3h10) mais délayé, qui brille par sa légèreté, son humour et ses petits partis pris formels (son gout pour les split-screen et les fondus notamment). Qui brille aussi par son appétit pour le jeu, la circularité et la duplicité (la double signature sur les registres, ces prénoms anagrammes, cet acteur incarnant deux personnages, ces échos entre les deux complices, les deux parties, les deux « rêves » bohèmes et amoureux, le disque…) et sa richesse sonore, jusque dans ces grincements de chaise qui répondent au chant des cigales.
Immanquablement j’ai pensé à Trenque Lauquen (on y retrouve d’ailleurs l’actrice Laura Paredes) le film de Laura Citarella sorti l’année dernière. Celui-ci est sans doute moins mystérieux, moins engourdi, mais sa capacité de glissement d’un monde à l’autre est un régal, de triangulation impalpable et irréconciliable.
C’est comme si le cinéma de Porumboiu (Le trésor, Policier adjectif, Les siffleurs) avait fusionné avec celui de Guiraudie (Du soleil pour les gueux, Ce vieux rêve qui bouge, Viens je t’emmène) mais on pourrait trouver aussi des similitudes, notamment dans le jeu et les trajectoires, avec les cinémas de Rozier et Rivette. Des cinéastes qui me sont chers.
Un personnage dedans fait des films mais il se considère vidéaste et non cinéaste car pour lui le cinéma est mort. Pas le cinéma argentin en tout cas.